Une nouvelle recherche du NOC / National Oceanography Centre révèle un lien antre les éruptions volcaniques importantes et les glissements de terrain, mais suggère de plus que des glissements de terrain pourraient déclencher des éruptions.
Les effondrements de flancs et les éruptions volcaniques explosives sont parmi les processus les plus importants et les plus destructeurs sur terre. Pour en témoigner, l'éruption du St.Helens en mai 1980 a démontré comment un effondrement de flanc relativement faible, de moins de 5 km³, pouvait précéder une éruption dévastatrice. Ces effondrements latéraux au niveau de volcans-boucliers peuvent produire des glissements de terrain beaucoup plus volumineux, de l'ordre de plus de 300 km³, comme c'est le cas à Hawaii, au Cap Vert (Fogo), à La Réunion (Piton de La Fournaise) et dans l'archipel des Canaries.
En étudiant les dépôts de glissements de terrain au niveau des îles Canaries et le système de turbidites Marocain, les scientifiques ont remarqué que les matériaux en provenance des éruptions volcaniques explosives ne se trouvaient que que dans les couches supérieures de chaque dépôt de glissement ... ceci implique que les premiers stades de chaque glissement de terrain se sont produits sous l'eau, et avant chaque éruption, et suggère que les étapes initiales des glissements de terrain peuvent avoir déclenché chaque éruption.
Carte des îles Canaries et du système de turbidite Marocain – un clic pour agrandir. Les différents dépôts d'avalanches de débris sont montrés en fonction de couleurs différentes. Le contour grisé marque la distribution spatiale des dépôts sédimentaires associés au glissement de terrain Icod de Tenerife. Les sites de carottage sont marqués de ronds rouges et jaunes (employés dans l'étude) – AC= canyon d'Agadir ; AB= bassin d'Agadir ; MAP= Plaine abyssale de Madeire ; SAP= Plaine abyssale Seine MDCS= canaux de distribution de Madeire ; CBR= Casablanca ridge - Map was generated using ArcGIS 10.1 software based upon bathymetric and digital elevation data from GEBCO. / Doc. Multi-stage volcanic island flank collapses with coeval explosive caldera-forming eruptions – James E.Hunt & al.
En étudiant les fines couches argileuses situées entre les dépôts de glissement et les dépôts éruptifs, ils ont pu estimer un délai minimum d'environ dix heures, à plusieurs semaines, entre le glissement initiateur et l'éruption subséquente. On est loin de la "gachette instantanée" du St Helens.
Modèle idéalisé pour la relation entre les glissements de terrain à plusieurs étages d'Icod, d'Orotava et de Roques de Garcia et les éruptions formant la caldera d'Abrigo, de Granadilla et de la Formation d'Ucanca terminale. (A) Le volcanisme mineur lié à l'évent et l'activité de la chambre magmatique peu profonde préconditionnent les pentes sous-marines. (B) Les éruptions mineures et la sismicité associée déclenchent les premiers stades sous-marins des glissements de terrain à plusieurs étages. (C) Les glissements de terrain sous-marins qui ont provoqué (i) l'enlèvement de la couverture des chambres magmatiques et une décompression statique dans la chambre de magma peu profonde provoquant une éruption explosive immédiate, ou (ii) une décompression statique en profondeur provoquant l'ascension du magma de basalte riche en volatiles, qui va se mélanger avec le magma superficiel sous-saturé en volatiles pour déclencher une éruption explosive. (D) Les éruptions explosives ou formant une caldeira affaiblissent les flancs des édifices, entraînant des stades subaériens de défaillance à plusieurs étages, contenant des débris volcaniques provenant d'éruptions explosives. - Doc. Multi-stage volcanic island flank collapses with coeval explosive caldera-forming eruptions – Jaames E.Hunt & al.
Dans le cas de Ténérife, et sa caldeira Las Cañadas, le flanc nord de lîle est sculpté par les glissements de terrain volumineux Icod (165.000 ans), Orotava (535.000 ans) et Roques de Garcia (1.15 Ma), correspondants à l'âge des éruptions formatrices de caldeiras Abrigo, Granadilla et Ucanca.
Les turbidites (*) ont été déposées sous des écoulements de sédiments turbulents dilués, formés au fur et à mesure que la masse descendait sous la gravité et était désagrégée. Les dépôts des glissements de terrain des îles Canaries dans les bassins profonds adjacents, tels que ceux des glissements de terrain d'Icod, d'Oratava et de Roques de Garcia, sont inhabituels car ils comprennent une série d'intervalles de sable et de boue de turbidite empilés.
(*) : Les turbidites désignent à la fois une unité géologique structurée composée de roches sédimentaires mises en place à la suite d'un écoulement de sédiments le long d'une pente sous-marine ou sous-lacustre, et les roches qui composent cette unité.
Glissements de terrains majeurs sur l'île de Tenerife / Canaries - Doc AVCAN - un clic pour agrandir
L'étude suggère que ce délai pourrait être dû au fait que la chambre magmatique superficielle du Teide ne contienne pas suffisamment de "volatiles" pour créer immédiatement des éruptions explosives. L'enlèvement de matériaux volcaniques par le glissement de terrain pourrait pousser le magma à remonter d'une chambre magmatique profonde plus riche en volatiles, et le mélange avec la magma plus superficiel, engendrer des éruptions déplacées dans le temps, et laisser une structure de type caldeira de grande dimensions.
Ce délai entre le glissement et la décompression statique engendrée a des implications dans la réponse des systèmes magmatiques à son absence de couverture, et constitue une implication pour la planification des systèmes de Protection civile dans les îles océaniques.
Pierre-Alain 23/01/2018 09:50
cano jean pierre 20/01/2018 16:51
Bernard Duyck 20/01/2018 18:37