Le volcan Augustine en éruption le 27.03.2006 - photo Cyrus Read AVO/USGS.
Les volcans d’Alaska (Alaska signifie "continent" en Aléoute) et des Aléoutiennes
constituent plus de 75% des volcans des Etats-Unis ayant eu une activité au cours des 200 dernières années.
On comptabilise 130 volcans et champs volcaniques qui ont été actifs au cours des
deux derniers millions d’années ; parmi ceux-ci, plus de cinquante ont été actifs depuis 1760, date des premières prises en compte scientifiques.
Carte de situation des volcans d'Alaska-Aléoutiennes - le Cleveland, actif en ce moment, marqué en rouge - Doc. USGS/AVO.
Depuis 1760, 27 volcans ont eu plus de 230 éruptions confirmées, soit une moyenne
d’une éruption par an (AVO). Par « éruption », il faut entendre des explosions avec ou non du magma frais, et des épanchements de lave de toute provenance.
L’éloignement et le faible nombre d’habitants de la zone rendent l’observation de
ces volcans difficiles … D’où leur activité est souvent sous-observée ou sous-déclarée / sous-documentée. Sur le graphique, l’augmentation relative du nombre d’éruptions peut être mise en
relation avec de meilleures techniques de communication et une croissance démographique.
Nombre d'éruptions en Alaska en fonction du temps - doc. AVO
L’observation des volcans de l’Alaska est très importante , car ils sont
potentiellement dangereux pour l’aviation, tant pour les vols cargo que passagers … très sensible aux nuages de poussières émis.
Les volcans des Aléoutiennes, du Kamchatka et des Kouriles, qui font partie de la Ceinture de feu du Pacifique, et les lignes
aériennes nordiques - doc. USGS.
Sur base de la Federal Aviation Administration, plus de 80.000 gros porteurs par
an, et 30.000 personnes par jour empruntent les routes aériennes reliant l’Europe, l’Asie et l’Amérique du nord.
Ces volcans, et plus spécialement ceux du Cook Inlet, influencent aussi les
populations proches d’Anchorage, le centre de population le plus grand de cette zone.
Depuis 1988, L’AVO
– Alaska Volcano Observatory – a été fondé pour surveiller et minimiser les effets des éruptions volcaniques an alaska. Cette institution résulte d’une coopération entre l’USGS – U.S. Geological
Survey - , l’université d’Alaska de Fairbanks et la division de Geological and Geophysical Survey d’Alaska.
Le monitoring des volcans a permis de prédire les éruptions du Redoubt en 1989-90
et du Mont Spuur en 1992.
Pour améliorer le monitoring, les efforts ont porté sur le réseau de détection
sismique (6 à 8 sismographes par volcan), sur le monitoring par satellites (2 – 3 observations par jour) et aussi sur l’étude de l’activité historique de chaque volcan (cartographie, études
géologiques).
Schéma général de "subduction" : avec fosse océanique (trench), arc volcanique et prisme
d'accrétion (accretionary wedge).
La tectonique de l’arc des Aléoutiennes est liée à la subduction de la plaque Pacifique
sous la plaque Nord-américaine, à la présence d’une fosse océanique, la fosse des Aléoutiennes et de l’arc insulaire correspondent.
Le point le plus profond de la fosse des Aléoutiennes est mesuré à 7.679 mètres.
La vitesse de subduction relative moyenne est de 7,3 cm. par an.
Prisme d’accrétion, Shumagin gap, subduction océanique, faille transformante et déchirure crustale résultante, tels sont les
phénomènes qui caractérisent en détail la tectonique de l’arc des Aléoutiennes.
Je reprend ci-dessous l’excellent texte d’Eric Reiter qui ne saurait être résumé :
" La plaque Pacifique, encore jeune à 50 Ma d’âge, est encore chaude et donc peu dense. Elle ne descend donc qu’à regret.
Ce faible angle d’enfoncement (6°) facilite le rabottage des sédiments reposant sur la plaque Pacifique et leur accumulation sur les marges de la plaque des Amériques. Cette situation mène à
l’établissement d’un volumineux prisme d’accrétion — dont une partie est en fait émergée, formant la péninsule de Kenai et l’île de
Kodiak.
Plus à l’ouest, le volume des sédiments continentaux provenant de l’Alaska diminue puis disparait, menant à la diminution
proportionnelle du prisme et à sa disparition sous la mer. En s’éloignant de la marge américaine, la plaque subductée devient de plus en plus vieille, froide et dense; l’angle de subduction
augmente donc de plus en plus, menant premièrement à un raclage de sédiments moins énergiques, mais aussi à un rapprochement relatif de l’arc et de la fosse de subduction en allant vers l’Ouest.
La plaque subductée a en effet besoin de moins en moins de distance horizontale pour atteindre les 100 km de profondeur qui marque le lieu de sa déshydratation. Les éléments ainsi relâchés
abaissent le point de fusion du manteau sus-jacent, menant à sa fusion partielle qui sera exprimée en surface par l’apparition d’un arc volcanique. Étant situé sur une plaque continentale, cet
arc volcanique est fortement marqué par la contamination crustale et la différentiation des magmas dans des chambres intermédiaires. Il s’agit donc d’un arc de type Andes, formé de dacites et d’andésites.
Zones de ruptures sismiques le long de la fosse/arc des aléoutiennes - doc.
USGS
Toujours dans cette section, entre les îles de Kodiak et de Shumagin, se situe le « Shumagin seismic gap », une section de côte n’ayant pas subit de tremblement de terre majeur depuis 1938. La raison de ce calme est encore discutée
aujourd’hui, mais la théorie la plus répandue veut que la subduction soit bloquée, les deux plaques étant temporairement soudées ensemble à environ 23 km de profondeur. Les contraintes
normalement dissipées par des petits tremblements de terre en compression risquent donc de se relâcher tout d’un coup en un seul tremblement de terre majeur, ce tremblement étant prévu pour les
dix prochaines années… et ce depuis 1980.
Toujours plus à l’ouest le long de l’arc, nous passons d’une subduction sous un
substrat continental à une subduction sous une croûte océanique. Cette croûte océanique est en fait constituée de la microplaque de Béring, une plaque fossile ne possédant plus de dorsale
ni de zone de subduction. Sa surface est cependant encore marquée des cicatrices de son histoire mouvementée, telle la houppette caractéristique de la crête de Bower et la longue crête rectiligne
de Shirshov. Le changement de substrat transforme bien sûr le volcanisme, qui passe des dacites et andésites continentales aux laves plus fluides caractéristiques des arcs océaniques (basaltes et
basaltes-andésites).
De façon plus importante, l’angle de convergence entre la plaque subductée et la fosse de subduction décroît
considérablement plus à l’ouest. À un tel point que cet angle devient éventuellement nul. Comme il n’y a plus de convergence, la subduction meurt et la
fosse de subduction devient une faille transformante dextre d’orientation NO-SE. Comme il n’y a plus de subduction, il n’y a plus de création de magma en profondeur et cette section des
Aléoutiennes est donc dépourvue de volcanisme. Les restants d’arcs érodés à sa bordure sont des fossiles marquants l’existence d’une période plus ancienne où le mouvement des plaques était
différent.
Ce changement de subduction à transformante pose cependant un problème pour la plaque Pacifique subductée. En effet, elle
est à cet endroit d’âge crétacé supérieure (environ 100 Ma) et son angle de subduction serait normalement assez fort (plus de 35°). Le long de la faille transformante, cependant, la plaque ne
s’enfonce pas du tout. Le pendage de la plaque subductée (tendant vers 35°) commence donc à diverger de celui de la plaque non-subductée (0°). La tension entre les deux augmente de plus en plus
en allant vers l’ouest. La plaque plie (l’on assiste d’ailleurs à une remontée de la profondeur des séismes en se rapprochant de la transformante), elle se déforme et, éventuellement, se déchire.
La marque de cette déchirure crustale est d’ailleurs clairement visible à la fois sur les tomographies de la région et par l’absence totale de
tremblement de terre dans cette portion de croûte absente. Le manteau sous-jacent, lui, remonte en s’engouffrant dans la déchirure et fait fondre en passant la bordure exposée de la plaque. Cette
fonte directe de la plaque subductée produit des adakites, une roche tout à fait spéciale (riche en Mg et ayant un rapport Sr/Y très élevé). Il n’est donc pas surprenant de trouver des adakites
partout autour de la zone de rencontre entre l’arc Aléoutien et l’arc de Kamchatka plus à l’ouest puisque la déchirure se situe directement en dessous." (E.Reiter)
Sources :
- Global Volcanism Program - Alaska/Aleutian
islands
- USGS - Historically active volcanoes in Alaska - lien
- Le monde des volcans - Eric Reiter - Aléoutiennes
- Carte interactive : http://www.avo.alaska.edu/map/index.php?monvolcs=on&othervolcs=on