Le champ volcanique Oku est formé d’un groupe de volcans situés sur un bombement de la
ligne volcanique du Cameroun, dans la région des hauts-plateaux de l’ouest du pays.
Ce massif a un diamètre d’une centaine de kilomètres. Il se compose de rhyolite et trachyte, et contient de nombreux cônes
basaltiques et maars. Quatre stratovolcans majeurs le caractérise : le Mont Oku, le Mont Babanki, le Nyos et le Nkambe.
Situation du champ volcanique Oku sur la CVL - Cameroon
Volcanic Line - doc. aymathh2
Le Mont Oku est un grand stratovolcan, d’une altitude de 3.011 mètres au dessus du
niveau de la mer, et coupé par une grande caldeira. Les roches les plus anciennes sont datées de 24,9 à 22,1 millions d’années. Le volcan est successivement constitué par des basaltes et des
hawaiites, suivis par des trachytes, recouvert ensuite par de volumes importants d’ignimbrites trachytiques et rhyolitiques, épais de plus d’un kilomètre. Par après, des laves trachytiques, des
tuffs et des brèches furent produites ; la phase d’activité la plus récente concerne des cônes pyroclastiques et des cratères d’explosion.
L’un de ces cratères d’explosion, duquel se sont écoulées des coulées de basalte au nord et des laves rhyolitiques et
phonolitique au sud, est occupé par le lac Oku.
Deux lacs de cratère, les "lacs tueurs", ont fait la triste renommée de ce champ volcanique : le lac Nyos au nord, et le lac
Monoun au sud
Le lac Monoun – 5°58N / 10°59E – photo en cliquant sur ce lien
Il explosa dans une éruption limnique le 15 août 1984 ; cette évènement causa la mort de 37 personnes, suite à un relâchement
massif de dioxyde de carbone, attribué à un retournement de ce lac, induit par un séisme et un glissement de terrain.
Une éruption limnique est un type d'éruption volcanique caractérisé par le dégazage
brutal d'un lac méromictique, relargant les gaz volcaniques émis en continu par un volcan et accumulés durant des années dans les couches profondes du lac.
Un lac méromictique étant un lac dont les eaux de surface et de profondeur se mélangent
moins d'une fois par an ( à moins d'une fois par décennie ou siècle). C'est le cas de lacs profonds et peu étendus, abrités des vents entre des parois rocheuses.


Schémas éruption limnique - avec l'aimable autorisation d'Eric Reitter.
La cause de ces décès ne fut pas immédiatement identifiée, et on parla de lacs tueurs, de diverses légendes ou même d’acte
terroriste.
Le lac Nyos – 6°26N / 10°18E :
Ce lac est situé au sein d’un maar formé par une explosion, il y a 400 ans ; c’est un lac de barrage, situé à une altitude de
1200 m. sur le flanc d’un volcan inactif, et appelé jadis lac Lwi, et devenu populaire sous le nom de lac Nyos, du nom du village voisin de celui-ci.
Il a une forme elliptique d’environ 1.800 m. de grand axe pour une profondeur de 208 mètres. Son fond est plat et ses eaux
retenues par un barrage naturel de roches volcaniques.
Coupe schématique du diatrème du lac Nyos -doc. viu.ca
Le lac Nyos - photo Thierry Orban / Corbis Sygma.
La tragédie du lac Nyos :
Le 21 août 1986, le lac Nyos émet une nappe de CO2 massive qui tue 1.746
personnes, 1.200 à Nyos, et plus de 500 dans les villages de Cha, Subum et Fang, jusqu’à 16 km. en aval. En plus
des humains , cet évènement cause la mort de tous les êtres vivants dans cette zone : 3000 têtes de bétail, les oiseaux, les insectes …seuls les végétaux résistent.
Vache morte de suffocation - Lac Nyos 86 - J.Lockwood / USGS
Les premières constatations vont permettre une analyse du phénomène :
Les corps des victimes paraissent peu lésés.
A part quelques arbres soufflés, tout est resté en place ; on ne constate pas d’effets chimiques , ni thermiques.
La distribution des cadavres de bétail prouve que la concentration léthale du gaz a atteint 120 mètres au dessus du niveau du
lac.
Le niveau du lac a baissé de 1 mètre et une tache couleur rouille a été observée en son centre.
L’énorme nuage de CO2, estimé à un kilomètre-cube, plus lourd que l’air, a parcouru 25 km. en respectant et
suivant la topographie des environs.
Les humains survivants souffrent de problème pulmonaires (œdème) et oculaires (conjonctivite).
Quelle est la cause de ce relargage massif de dioxyde de carbone ?
Du CO2 magmatique ou hydrothermal, dissous à haute pression en profondeur, ou piégé sous forme de bicarbonate,
voire de sidérite (carbonate de fer - réaction avec Fe2+) à un niveau proche de la saturation a été brutalement relâché.
La cause de l’instabilité à la base de ce relargage est toujours discutée :
- un glissement de terrain subaquatique, en relation on non (selon les experts américains) avec un séisme de M5 le long
de la Foumban shear zone courant sous le massif, serait à l’origine d’un bouleversement de la stratification des eaux, de la nucléation et la libération du CO2.
Des bulles de gaz volcaniques se forment dans la couche inférieure du lac, l'allégeant ainsi ce qui provoque sa remontée de
plus en plus rapide vers la surface par emballement du système. Les bulles de gaz volcaniques percent alors la surface en créant parfois des petits tsunamis. Lorsque ce gaz est plus dense que
l'air comme le dioxyde de carbone qui est un des principaux composants des gaz volcaniques, la nappe de gaz volcaniques reste plaquée au sol et peut s'écouler par dessus les rebords du cratère en
empruntant le fond des vallées. Cette hypothèse est soutenue par Sigurdsson, Schmincke et Bardintzeff.
Le lac Nyos , quelques
jours après le drame - photo USGS 29.08.1986
- Une éruption phréatique serait à la base du drame selon une autre hypothèse défendue par des scientifiques Français
(Tazieff) et italiens. Leurs analyses confirmeraient la permanence de la stratification du lac, infirmant son retournement. Une éruption aurait provoqué un jaillissement puissant d’eau, créant
une vague inégale (1m. au nord, 80 m. au centre et 20 m au sud) ; la retombée d’une importante masse d’eau depuis une hauteur conséquente , 100 à 200 m au dessus du niveau du lac, serait ainsi
responsable du décapage du granite des bords du lac sur une bande.
Le mécanisme invoqué par le team Tazieff, Le Guern, Chevrier et Faivre-Pierret, est une relâche de gaz emprisonné dans un
réservoir en profondeur, par des fissures étroites dans le toit rocheux de celui-ci. A cause de la pression interne et de l’étroitesse de la section des fissures, la vitesse d’échappement a été
supersonique, dans un premier temps très court. Puis une abrasion mécanique a élargit les orifices de sortie permettant une libération rapide de grandes quantités de gaz dans un second temps.
Selon Olivier Leenhardt, on parle d’éruption phréatique lorsque la pression dans le diatrème dépasse la charge cumulée de l’eau du lac et des sédiments.
Georges Kling (US) avait identifié 31 lacs de cratères et maars dans le N.O. du Cameroun. Les principaux ont fait depuis l’objet d’une expertise et tous ne constituent pas le même risque
que les lacs Monoun et Nyos, qui seuls ont une capacité de stockage conséquente.
Le maar Enep, dans le champ
volcanique Oku - photo J. Lockwood / USGS.
La décarburation des lacs Monoun et Nyos :
Le MNDP – Nyos and Monoun Degassing Program – a été initié, en collaboration avec le gouvernement Camerounais, pour vider les
lacs
méromictiques de leur excédent de gaz.
L’installation d’une pipe de mise à l’air libre a nécessité dans un premier temps l’usage d’une pompe pour l’extraction de
l’eau et du gaz ; une fois le processus amorcé, le gaz a entrainé seul le mélange vers la surface, où il sort à vitesse supersonique créant un geyser artificiel d’une hauteur de cinquante
mètres.
Une étude en septembre 2005 par George Kling et d'autres chercheurs au Université du Michigan constaté que le gaz n'était pas
enlevé du lac assez rapidement pour s'assurer que le désastre ne se produise plus jamais. Kling a recommandé l'abaissement de la pipe existante et l'addition d'une neuve afin de libérer plus de
CO2.
Schéma de la pipe de dégazage - doc. viu.ca
Michel Halbwachs, professeur de physique à l'université de Savoie à Chambéry, qui a installé les systèmes d'extraction
existant actuellement, et trois chercheurs du Swiss Federal Institute of Aquatic Science and Technology de Seestrass (Suisse), spécialistes de la structure et du comportement des lacs, sont en
désaccord complet avec George Kling. Ils estiment qu'une colonne de dégazage en plus à Nyos et deux à Monoun sont suffisantes.
Quoiqu’il en soit, ce programme a permis de développer une technologie et des méthodes de simulation dans un domaine
inexploré jusque là. Cette technologie va permettre un projet d’extraction du méthane dans le lac Kivu (RDC).
Le geyser de
décarburation - photo Google - date et auteur non identifiés.
Sources :
- Global Volcanism Program - Oku volcanic field
- Volcanism - H-U. Schmincke - éd.
Springer
- Volcanologie - JM. Bardintzeff - éd.
Dunod
- Michel Halbwachs - page personnelle
- Vidéo sur les lacs de cratère meurtriers - link