... ou comment un volcan situé sous les tropiques a dévasté le Londres médiéval ?
Fouilles à Spitafields - London - doc. archaeology.co.uk
Les faits :
Dans les années 1990, plus de 10.000 squelettes humains ont été retrouvés à Londres, sur le site de Spitafields, près du prieuré et de l’Hôpital St Mary Spital.
Différentes méthodes de datation indiquent quatre grandes périodes chronologiques de sépultures. Une analyse ostéologique effectuée sur un échantillonnage de 5.387 squelettes a permis de se rendre compte des conditions de vie des Londoniens au moyen-âge … de nombreux squelettes montrent des signes de maladie et de blessures.
Le cadre bioculturel montre que des famines et des épidémies ont sévi à cette époque.
London - le champ de fouille de Spitalfields - photo Museum of London /
Archeology.
La cause de ces décès en masse :
Dans des récits monacaux, un moine rapporte qu'en 1258, " le vent du nord s’est installé durant de nombreux mois … Avril, mai et la plus grande part de juin s’étaient passé que de rares petites plantes ou bourgeons étaient visibles , et l’espoir de récoltes incertain.
Une quantité innombrable de personnes pauvres moururent et leurs corps furent retrouvés partout, gonflés et livides, couchés par groupes dans les porcheries, sur les tas de fumiers ou dans les rues boueuses. Des fosses communes furent creusées dans les cimetières pour accueillir tous ces cadavres. " … à l’époque, la seule explication possible était un châtiment divin !
Bien que d’autres facteurs soient intervenus pour générer la famine, tels que des conflits régionaux, une évidence scientifique, incluant la datation au radiocarbone des os et les données géologiques au niveau mondial, montre pour la première fois que des morts en masse au cours du 13° siècle furent causés par l’une des plus grandes éruptions des dernières 10.000 années.
Les gaz sulfurés ont formé un aérosol stratosphérique, aussi nommé dry fog, qui a bloqué une grande part de l’irradation solaire, altérant la circulation atmosphérique et causant un refroidissement de la surface terrestre. La destruction des cultures a amené famine, peste et la mort.
La trace d’une éruption en 1258 fut retrouvée dans les carottes glaciaires des deux pôles ; la localisation de cette éruption est admise comme "tropicale".
Anomalies de températures en °C entre l'an 1200 et 2000 -
doc. Mann & al. / 2012
Mais quels sont le ou les volcans impliqués ?
Plusieurs candidats intéressants viennent d’être déclassés ; parmi ceux-ci, il y avait :
- EL Chichon au Mexique , avec deux éruptions importantes : l’une de VEI 4 en 1990+/- 150 ans et une autre de VEI 5 en 1360 +/- 100 ans.
- Le Quilotoa en Equateur , avec une éruption de VEI 6 autour de 1280 ( ?), rajeunie depuis peu.
- Deux volcans d’arabie saoudite, l’Harrat Rabat et l’Harra es-Sawâd, avec des éruptions en 1256 et 1250 +/- 50 ans. Bien que de VEI moins élevés, ces éruptions fissurales ont produit de grandes quantités de gaz sulfureux.
La
caldeira du Gunung Rinjani - photo Nasa ISS 005-E-15296
Sources :
- Current archeology - London's volcanic winter / Août 2012 - link
- Current archeology - Reading the bones: Spitalfields' human remains - août 2012 - link
- Nature geoscience - Underestimation of volcanic cooling in tree-ring based reconstructions of
hemispheric temperatures - by Mann & al 2012. - link
- Museum of London archeology - A bioarchaeological study of medieval burials on the site of St Mary Spital: excavations at Spitalfields Market, London E1, 1991–2007
- Mass grave in Londonreveals how volcano caused global catastrophe
- Scientists search for the explosive source of a disaster that wiped out almost a third of Londoners in 1258