Le massif volcanique de Zemplén – Tokaj , situé au confins nord-est de la Hongrie se confond avec une grande région vinicole : Tokaj-hegyalja.
Suite de montagnes basses (altitude moyenne, 500 m), la Dorsale hongroise traverse la Hongrie de part en part, de la région du lac Balaton, au sud-ouest, à la frontière russe, au nord-ouest ; elle sépare de ce fait la plaine Pannonique en deux parties, Kisalföld au nord-ouest et Nagyalföld au sud-est. Le Danube, en prenant la direction du sud dans la région de Budapest, décrit le "coude du Danube", divisant la Dorsale en deux ensembles : la Dorsale de Transdanubie et la Dorsale septentrionale.
La Dorsale de Transdanubie est une succession de horsts calcaires et dolomitiques, bien individualisés par de larges fossés tectoniques. Le massif mésozoïque s'est fracturé lors du soulèvement des Carpates, mais il doit son allure actuelle aux mouvements répétés (Pliocène, Quaternaire) du grand accident tectonique qui limite l'affaissement de la plaine Pannonique. Les fossés tectoniques de Mor et de Tata séparent le massif en trois unités : Bakony (704 m), Vértes et l'ensemble Budai-Pilis-Gerecse.
La Dorsale septentrionale fait partie de la ceinture volcanique interne des Carpates. Elle comporte des restes des stratovolcans tertiaires et des blocs mésozoïques soulevés par les mouvements affectant le socle.
Hongrie nord-est - le massif
volcanique Zemplén-Tokaj
Le mont Tokaj, un ancien volcan aux flancs couverts de vignobles -
photo civertan
Tokaj : "le vin des Rois et le roi des vins"
La minéralité du sol volcanique, couplée à des cépages inconnus ailleurs, le Furmint et le Harslevelü, vont permettre de créer un vin d’exception.
Les vignobles habillent les pentes sud et ouest du massif volcanique Zemplén et les pentes du volcan Tokaj. Les côteaux longent les zones humides des rivières Tisza et Bodrog, d’où s’élève dès l’automne un brouillard épais qui noie l’horizon.
Grains de raisin touchés par le Botrytis cinerea, la
"pourriture noble".
Ce brouillard est à l’origine du Botrytis cinerea, un fin duvet gris cendré, une "pourriture noble" dont la présence concentre les sucres des grains de raisin. Le chaleur venue des plaines aride au sud, la Puszta, crée un microclimat favorable à une seconde concentration, appelée passerillage, qui va confire les grains, et exhaler des arômes de chocolat, de pruneaux et de champignons … Cette combinaison providentielle de pourriture et de sécheresse donnent ainsi naissance au grain aszú.
Gorgé de sucre et de parfums, il est la matière première du grand vin liquoreux hongrois : le Tokaji Aszú !
Les grains aszú sont tellement secs et recroquevillés qu’on ne peut les presser tels quels. On les porte donc d’abord dans des cuves dont le fond est percé de trous munis de robinets. Au fil des heures, un jus s’exprime alors lentement, par le seul poids du raisin. Cette quintessence de grains nobles n’est autre que l’Eszencia, tellement riche en sucre (jusqu’à 900 grammes par litre !) que la fermentation alcoolique ne se fait pas.
Cette pâte de grains aszú est ajoutée au moût de raisins Furmint,
Harslevelü et Muscat en quantité variable, selon le nombre de hottes, ou puttonyos, utilisées. Après fermentation et filtrage , l’assemblage va vieillir durant minimum trois ans en fûts de chênes dans des caves creusées dans le tuff ou le roc, où règne une température constante de l’ordre de
10°C.
Entrées de caves - région viticole du Tokaj / photo gonomad
L’air y est recyclé naturellement par des prises d’air nommées trous de l’âme. Le présence d’une moisissure qui tapisse les parois, le cladosporium cellare, joue un rôle de filtre. Ces caves sont mentionnées dans des documents du 12° siècle.
Ce n’est qu’à l’époque Ottomane que le Tokaji Aszú fut produit pour la première fois … selon la légende, la crainte des raids turcs retarda la récolte. Les raisins flétrirent et la pourriture noble s’installa ; le vin fut néanmoins produit et présenté aux seigneurs du domaine. La méthode de fabrication a été décrite en 1571. Ce vin fit ensuite la conquête de l’europe, grâce au prince Rákóczi, qui fut son ambassadeur auprès des cours royales et impériales. Louis XIV l’a baptisé " le vin des rois et le roi des vins ".
Le vignoble de Tokaj - gravure
de Joris Hoefnagel / 16° siècle
Ce nectar était tellement convoité, qu’au 19e siècle, les tsars de Russie le faisaient escorter jusqu’à
Saint-Pétersbourg par un régiment de Cosaques !
François-Marie Arouet, dit Voltaire, en parle en ces termes : " L'aszü de Tokaj est un breuvage ambré aux couleurs éclatantes qui tisse les fils d'or de l'esprit et fait scintiller les mots les plus spirituels. "
Tokay Essence 1811
"Bottled about 1840. Formerly the property of the Princely Family of Bretzenheim, which became extinct in 1863" - Sold by Berry Bros in the 1920's. The nec plus ultra of Tokaji, and one of the greatest of all 19th century wines. - photo Tokaji on line.
Les guerres mondiales, suivies d’une collectivisation synonyme de perte de qualité, ont coupé son essort.
Il a fallu ensuite attendre la chute du mur et les années 1990 pour assister à la renaissance du Tokaj-hegyalja.
Ce vignoble se présente sous la forme d'un triangle au sud duquel se trouve le village de Tokaj, où est situé le Domaine Impérial Hétszölö.
" Tokay Renaissance ", des
bouteilles primées aux Vinalies internationales de Paris. - photo Takato Marui
Etiquettes de Tokaji Aszu
Oremus de 1972 / 6 puttonyos
et Disznokö 1992 / 5 puttonyos
photo Tokaji on line.
Le vin a une robe opale, des parfums d’abricot, de miel et d’épices, une texture soyeuse, qui le font considérer comme le plus grand vin liquoreux du monde … Tout ce qui entre dans la composition du Tokaji hongrois est original et particulier : sols, raisins, vinification, caves, jusqu’à la forme de la bouteille !
Sources :