Du premier au 16 novembre 2013, le volcan sous-marin au nom improbable Kick’em Jenny, situé sur le flanc ouest de l’arc des petites Antilles, a été exploré par les équipes du Nautilus Exploration Program. Les premières images prises par l’équipe mixte du NOAA, de l’Ocean Exploration trust Bechtel, de la Sea research foundation, de la National Geographic society, de l’Office of Naval Research et de l’Université de Rhode island, viennent d’être publiées. Cette expédition se fait dix ans après une précédente, et va permettre de visualiser les changements morphologiques et biologiques de cette zone particulière.
Le Kick’em Jenny fait partie d’un groupe de quatre volcans sous-marins localisés à 9 km de la côte nord
de l’île de Grenade. Ce volcan fut découvert en 1939, à la suite de nombreux séismes et de tsunamis qui ont affecté Grenade et les Grenadines, et ont même atteint La Barbade, l’île la plus à
l’est des Caraïbes.
Carte de l'arc volcanique des Caraïbes, et position sud du Kick'em Jenny
Une éruption explosive a produit un panache de cendres de plus de 300 mètres au-dessus du niveau de la mer ; depuis cette date, au moins douze éruptions ont été dénombrées, certaines causant des perturbations en surface et des petits tsunamis. La dernière éruption, datée de 2001, fut précédée de forts séismes.
En haut à gauche : image seabeam du Kick'em Jenny et de ses voisins - observations par le navire R.H.Brown en 2003 - en haut à droite, localisation du Kick'em Jenny parrapport aux îles Grenadines - doc. Oregonstate Un.
En bas : morphologie du Kick'em Jenny, niché dans une dépression en fer-à-cheval - doc. d'après une carte bathymétrique
sonar par le navire R.H.Brown / NOAA Ocean Explorer.
L’activité éruptive se manifeste tant de manière effusive, avec installation de dômes,
qu’explosive, accompagnée de coulées pyroclastiques. Considéré comme le plus actif et dangereux volcan sous-marin de l’arc des Caraïbes, Kick’em Jenny
présente comme risques spécifiques des éruptions explosives de type Surtseyen, ainsi qu’une potentielle génération de tsunamis, liés à des explosions superficielles ou des effondrements de l’édifice volcanique (Devine & Sigurdsson 1995 / Lindsay
& al. 2005).
Le coin est à éviter, même entre les éruptions : le relargage de grandes quantités de bulles de gaz par le volcan, sans signes de cette activité en surface, peut diminuer la densité de l’eau de mer au-dessus de l’évent, et diminuer la portance des eaux. En août 1944, l’Island Queen, une goélette en bois, a disparu entre les îles de Grenade et St Vincent, sans laisser aucun débris.
Morphologie du volcan :
Des reconnaissances successives montrent la croissance du Kick’em Jenny suite à ses éruptions. En 1962, le bord du cratère se trouvait à 223-232 mètres sous le niveau marin. L’édifice conique, haut de 1300 mètres présentait en 1972 un cratère de 180 m de diamètre, situé à une profondeur de 190 mètres. Deux cicatrices à l’est du volcan sont identifiées comme des failles normales définissant la cassure du plateau sur le flanc ouest de l’arc des Caraïbes. Depuis l’éruption de 1977, le sommet du volcan est moins profond, et forme plus une structure en dôme qu’un cratère.
Kick'em Jenny - schéma de la région sommitale du
volcan - doc. University of the West Indies Seismic reseach center
En 1989, une plongée à l’aide d’un submersible révèle la structure du cône, formé de dépôts pyroclastiques et de coulées de lave en coussins. Le bord du cratère et ses parois sont drapées de proteobactéries chémosynthétiques dépendantes du soufre.
En 2003, l’expédition du NOAA montre que le cône du Kick’em Jenny est localisé dans une dépression majeure en fer-à –cheval large de 5 km. faisant face à l’ouest, vraisemblablement formée par une rupture de flanc associée à une avalanche de débris. (voir bathymétrie ci-dessus)
Le cône est entouré d’un escarpement en arc l’entourant au sud, ouest et nord. Les
plongées permettent de cartographier cinq petits volcans inconnus dans cette zone auparavant.
Cartographie seabeam 2003 - doc. Courtesy of NOAA and SRU
Trois ont une forme conique avec des cratères bien définis et deux ont une morphologie en dômes. Un des cônes présentant un cratère en fer-à-cheval occupé par un dôme, est nommé Kick’em Jack, en raison de similitudes morphologiques avec le Kick’em Jenny. Existe-t-il de multiples chambres magmatiques pour ces différents centres, ou sont-ils reliés à un système d’alimentation central ? La question reste posée. Le plancher du cratère présente des panaches émettant des gaz (non identifiés) et fluides de haute température – plus de 250°C.
L’expédition 2013 à bord du vaisseau E/V Nautilus embarque deux ROV, nommés Hercules et Argus, capable de prélever des échantillons biologiques et géologiques, de faire des mesures environnementales et des vidéos HD, en plus d’un nouveau système de scan multifaisceaux et de sonar.
Nouvelle image bathymétrique des environs du Kick'em Jenny - doc.2013 Exploration Now / E/V
Nautilus
Kick'em Jenny - bouche hydrothermale active - doc. 2013 Ocean Exploration Trust /
Exploration Now
Kick'em Jenny - une cheminée
d'hydroxyde de fer - doc. 2013 Ocean Exploration Trust / Exploration
Now
De multiples avalanches de débris associés à des ruptures de flancs montrent que la vie du ce volcan procède par périodes de croissance et d’effondrements successives. La vie s’y est diversifiée, avec l’apparition de crevettes et grosses moules en boomerang.
Des informations supplémentaires suivront dès communication, après dépouillement et étude des relevés faits récemment en 2013.
Les premières vidéos :
Sources :
- Global Volcanism Program - Kick'em Jenny - Monthly reports
- Nautilus Live - 2013 Exploration program - link
- The University of the West Indies - Kick'em Jenny history - link
- The University of the West Indies - Kick'em Jenny hazards - link