Près d'un millier de statues colossales parsèment l'île de Pâques; elles alimentent depuis longtemps l'imagination des historiens et des archéologues, et leurs nombreuses théories explicatives.
Les moai ne représentent ni dieux, ni démons, mais bien des ancêtres vénérés et proches des dieux, puisqu’ils avaient apportés sur l’île le nécessaire vital : animaux domestiques, fruits et légumes. Ces statues incorporeraient le « mana », la force spirituelle des ancêtres dont chaque clan espérait tirer protection et prospérité. Elles prouvaient aussi le pouvoir et le prestige des chefs et de leur clan par rapport aux voisins. Les moai sont placés sur des plates-formes, les ahu. A l'exception de sept d'entre eux, représentant d'après la mythologie les sept grands explorateurs, les statues tournent le dos à la mer et font face à une place sacrée, lieu de cérémonie pour le clan. Cette orientation est primordiale pour qu'ils puissent transmettre "l'énergie" aux vivants au travers de leurs yeux.
L'Ahu Nau Nau, sur le site d'Anakena sur le rivage nord de l'île ; quatre moai porte le pukao,
en tuf rouge, représentant leurs cheveux coiffés en chignon - photo issue http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe.
La seule certitude concerne leur fabrication : c'est la carrière présente dans le cratère du volcan Rano Raraku qui la dévoile.
Quatre cent moai en voie d'achèvement émergent de la colline, tantôt dressés, tantôt couchés. Chaque étape de la fabrication est visible : de la première ébauche, taillée dans le tuf volcanique, à la statue gigantesque prête à être transportée.
Des puits creusés dans ce tuf sur la lèvre du cratère servaient de dévidoirs de cordes utilisées pour contrôler la descente des moai sur la pente du volcan avant le transport final vers l'Ahu.
Les statues ont changé de style et de dimensions avec le temps :
L'examen de la taille des mains, du buste et du visage permet aux archéologues de dater avec précision l'époque de confection de la statue.
Les yeux des moai étaient confectionnés en corail blanc : cette découverte fut faite en 1978, par
l'archéologue Sergio Rapu, qui retrouva des morceaux blancs sur l'esplanade de l'Ahu Nau Nau, et réussit à en refaire le puzzle.
Sergio Rapu présente l'oeil du moai / Figaro magazine du 06.04.2002.
Moai sur l'Ahu
Ko Te Riku - photo issue de http://berphi.skyrock.com avec
l'autorisation de Bernard Philippe.
Lors de l'expédition Roggeveen à Rapa Nui en 1722, certains membres de celle-ci ont remarqué que le tenon du pukao était entouré de grosses boules faites de lave extrêmement dure et que celles-ci étaient peintes en blanc.Une seule évocation de tenon creux servant à recevoir des ossements humains date de cette période. Derrière l'ancien musée Sébastian Englert, se trouve toujours un énorme tas de boules blanches qui correspond exactement à cela.
Qu’elle est la teinte naturelle des moai ?
Les statues de Rano Raraku sont, à l’état naturel, de couleur jaune paille, teinte qui se modifie ensuite en fonction des conditions climatiques et de la colonisation par les algues, champignons et autres lichens. Elles ne sont pas uniques, et d’autres statues sont de couleur rouge, ou grise, quand elles sont taillées dans le basalte. La presqu’île de Poike a produit des statues blanches (tuf alcalin).
De plus, à l’instar des temples antiques Egyptiens que l’on voit maintenant sans leurs peintures, les statues étaient initialement
peintes : Henri Lavachery, lors de ses relevés en 1934, se glissa sous un moai penché selon un angle de 15-20°, se rendit compte que le buste était recouvert de peinture blanche et rouge,
représentant en partie une frégate. En 1972, une expédition de conservation et restauration des moai signale une pellicule d’oxyde de fer sur les statues, considérée comme un enduit de peinture à
base de limonite.
Reconstitution des motifs peints sur les moai par Françis Dederen
photo issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe.
L’examen des mains des moai permet d’affirmer qu’ils représentent bien des ancêtres ayant été au moins une fois dans leur vie « homme-oiseau » (voir ci-dessous la légende) : les mains ne portent pas d’ongles et seraient des rémiges d’oiseaux.
Chaque moai a sa particularité et de nombreux signes et tatouages n’ont pas livré leur secret, ni une interprétation.
Photo de l'expédition 1955-56 - Arne Skjösvold : outre la teinte originale
versus la teinte modifiée par les conditions d'exposition, on remarque une gravure ventrale en forme de navire. (voir ci-dessous) - photo issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe.
L'enterrement partiel
des moai a permis lors de fouilles archéologiques de découvrir non seulement la teinte originale du tuf, mais aussi des gravures au message non encore totalement élucidé. Ici un navire trois mâts
relié par un lien à une tortue... histoire mythique ?
Le plus vieux et le plus grand :
Le Moai Tukuturi : c' est le plus ancien de l’île et le seul moai à avoir des jambes. Il
date de l’époque des premiers arrivants sur l’île, au 5ème siècle après JC. Il fut découvert en 1955 par Thor Heyerdhal, organisateur et auteur de « L’expédition du Kon Tiki » en 1947
(photo issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe) Cette
aventure voulait démontrer l’origine sud américaine de la population Rapa Nui : aujourd’hui, l’ensemble de la communauté scientifique internationale s'accorde à reconnaître que T. Heyerdhal s’est
trompé : la population de l’île de Pâques provient de Polynésie Française, et plus précisément des îles Marquises. Paradoxalement, c’est cette statue (et un hameçon), en tout point ressemblante aux Tikis, statues de pierres découvertes aux îles Marquises et datées de la même époque,
qui sonne le glas de la théorie de l’aventurier norvégien. Les hameçons dont il est question sont des hameçons de pêche, taillés dans de l’os, datés du 5ème siècle après J.C., époque des premiers
arrivants sur l’île. Retrouvés lors de fouilles archéologiques récentes, ils sont la preuve irréfutable de l’origine marquisienne des Rapa Nui: en effet, les scientifiques ont retrouvé des copies
conformes, datées de la même époque, lors de fouilles récentes aux îles Marquises.
Moai Te Kokanga dans la carri§re di volcan Rano
Raraku - photo issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard
Philippe.
Le moai Te Kokanga, un géant inachevé : Cent quatre-vingt tonnes, vingt et un mètres
soixante de long : couché sur les flancs du volcan Rano Raraku, le Moai Te Kokanga est le plus grand que la civilisation Rapa Nui ait jamais sculpté. Le visage mesure à lui seul 8,50
mètres.
Moai Hoa Hakananai'a - en basalte, originaire d'Orongo, arrivé en Angleterre
en 1869 et conservé depuis au British Museum à Londres - photo Easter island statue project. / EISP.org
Les moai de basalte : seules 20 statues, portables ou non, sont taillées dans du basalte,
plus dur que l’habituel tuf dont sont faits les moai. Deux d’entre elles sont au British Museum de Londres … elles font l’objet d’études et d’examen au laser ; les bas-reliefs regravés au
dos permettront de comprendre plus avant l’histoire de Rapa Nui.
Face arrière du moai Hoa Hakananai'a - doc. british Museum / Laser scan Project - Arevela
Pak.
Le mythe de « l’homme-oiseau » :
Alors que suite à une déforestation massive, les pascuans ne pouvaient plus construire de bateaux et quitter leur île, le mythe de l’homme-oiseau fut créé, inspiré du passage annuel d’oiseaux migrateurs.
Tous les printemps, la plus grande fête de l’année avait lieu. C’était une compétition où chaque participant doit s’emparer d’un oeuf. Elle est précédée d’une cérémonie religieuse consacrée au culte de l’Homme-Oiseau. C’est la fête de « Tangata Manu ». L’objectif de cette fête est de désigner un second roi sur l’île pour un an. Le concurrent (une personne influente) est représentée par un serviteur (le Hopu).
Rano Kau - à l'avant-plan gauche, des pétroglyphes glorifient le mythe de l'homme-oiseau, au loin, les motus ... le
motu Nui est le plus éloigné de l'île. - photo
issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe.
Celui ci se dirige avec les autres concurrents à la falaise d’Orongo et se rend vers l’île
de l’Homme Oiseau qui est la plus éloignée (environ à 2 Kilomètres de la côte). Ils doivent ramener le premier oeuf de sterne
(des hirondelles de mer ou Manutara dans le language local) pondu sur l’îlot de Motu Nui. Il faut pour cela, grimper une falaise à pic de 180 mètres et ramener l’oeuf en le fixant par un
bandeau sur sa tête, évidemment sans le briser.
Pendant la compétition, la population observe sur la pente en face de l’îlot pour attendre le vainqueur et bien veiller au
respect des règles. Le site d’Orongo était situé sur la partie de la crête du cratère du Rano Kao qui surplombe les hautes falaises noires où se trouve un village avec des maisons en
forme de pirogue faites de pierres.
Celui qui ramène l’oeuf à son maître, prend alors le nom d’Homme-Oiseau (ou dans la langue locale le Tangata manu) ; il incarne sur Terre le Dieu Maké Maké : le créateur de l’univers. Le maître gagnait un
pouvoir considérable pour une année : il devenait le second roi de l’île ou obtenait un titre de chef militaire (quand on sait que les tribus se
bataillaient régulièrement, on peut mieux percevoir l’importance de cet homme). Cette compétition dura jusqu’à la fin du 19° siècle, elle finira par disparaître
du fait de la présence de très peu de pascuans d’origine au fil des années, les traditions se perdant.
Après la fête, le guerrier qui rapporte l’oeuf se fera raser le crâne et devra séjourner pendant un an (jusqu’à la prochaine
célébration) dans une grotte. Très peu de personnes ont le droit de le voir et ses repas sont préparés par les quelques personnes habilitées à le faire (essentiellement des prêtres). Il était
soumis à de sévères interdits du fait de son caractère sacré.
Pétroglyphe de l'homme-oiseau - photo issue de http://berphi.skyrock.com avec l'autorisation de Bernard Philippe.
Un intéressant cadrage d'un moai devant la muraille du Rano raraku reprend le thème de l'homme-oiseau - photo
Alinettela1ere.Skyrock.com
Une tentative d'identification de l'oiseau représenté sur les
pétroglyphes apporte une nouvelle hypothèse concernant le peuplement de l'île de Pâques et l'empreinte laissée par les incas au niveau mythique ... je laisse la parole à Jean-Hervé Daude, un
Québecois féru de la beauté et des mystères de l'île de Pâques.
Sources :
- Easter island statue project - lien
- Le blog de Bernard Philippe sur l'île de Pâques - lien
- Les explications de François Dederen (Te Pito) sur le site de Bernard Philippe.
- Rapa Nui, beauté et mystères de l'île de Pâques -
par Jean-Hervé Daude. - lien
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DUBOIS 10/10/2015 16:39
Bernard Duyck 11/10/2015 07:57
(Clovis Simard,phD) 01/06/2011 11:55