En 2010, le gouvernement Tanzanien annonçait un projet de construction d'une route commerciale asphaltée, longue de 53 km., traversant d'est en ouest la plaine du Serengeti, le plus ancien parc national Tanzanien ... projet inspiré par les Chinois, grands nouveaux exploiteurs des richesses africaines.
Cette annonce a soulevé de nombreuses protestations, car la construction de cette route pourrait avoir de graves conséquences sur les écosystèmes et venir perturber la migration des gnous, des antilopes et des zèbres, ainsi que la vie de leurs prédateurs.
Une des affiches
de la campagne contre la route traversant le Serengeti.
En juin 2011,sous les pressions, le gouvernement décidait de ne pas recouvrir de tarmac la route traversant le Serengeti ... mais annonçait en même temps, la réfection et la couverture asphaltique de la route qui s'étend sur 117 km. entre Mto wa Mbu (près de lac Manyara) et Loliondo.
Bien que cette route facilite la circulation des populations locales et leur commerce, elle risque d'apporter de nouvelles menaces sur le lac Natron et son biotope particulier. Des craintes se font jour sur une éventuelle remise sur le tapis des plans d'exploitation du carbonate de soude du lac Natron par les Indiens de Tata chemicals ltd dénoncés en 2009 (projets datant de 2007).
Le président Kikwete a proposé de déplacer l'usine en dehors du site du Natron, précisément à Loliondo et de transférer les millions de tonnes de carbonate de sodium par pipelines.
L'écosystème particulier du lac Natron :
Situé au pied de l'Ol Doynio Lengaï, le lac Natron se loge dans une dépression allongée, orientée nord-sud et délimitée par deux horsts, dans la branche orientale du grand rift africain.
Ce lac peu profond est endoréique : ses apports en eau ne sont dus qu'aux précipitations qui tombent directement dans le lac ou alimentent les quelques cours d'eau qui s'y jettent, après avoir lessivé les volcans aux alentours. Sa superficie, sa profondeur et son volume varient fortement d'après les saisons.
Le lac Natron, qui tire son nom du bicarbonate de soude, se comporte comme une immense saline naturelle; ses eaux sont très alcalines avec un pH variant entre 9 et 10,5, sursaturées en sels de soude qui donnent sa consistance visqueuse à l'eau. Son alcalinité est due à sa proximité avec le Lengaï, volcan qui produit une natro-carbonatite basique.
Ol Doynio Lengaï domine le rift Gregory et le lac Natron, dont on aperçoit le bord asséché en septembre - photo Bernard Duyck 2006.
Les flamants sont peu nombreux hors période de nidification - photo Bernard Duyck 2006.
Sous l'effet de températures allant jusqu'à 50°C, l'évaporation concentre les éléments chimiques jusqu'au point de précipitation; ces sels forment des croûtes parfois colorées par les micro-organismes aquatiques en rose-rouge.
Le lac Natron est aussi le site de nidification le plus important pour le flamant nain - Phoenicopterus minor - en afrique de l'est. Septante-cinq pour cent de la population globale, soit 1,5 à 2 millions d'oiseaux, y trouvent une concentration élevée en spirulines, Arthrospira platensis - cyanobactéries filamenteuses anciennement appelées algues bleues -, dont ils se nourrissent et qui leur donnent leurs belles couleurs roses.
Nidification des flamants nains au lac Natron - photo BirdLife international / Owen Newman
Menace sur le Natron :
Le projet d'exploitation de la soude par Tata Chemicals, même transféré à Loliondo, nécessitera une infrastructure au Natron : trains ou pistes pour acheminer le matériel, matériaux de pompage à déplacer en fonction des prélèvements, bruits et pollution des installations et présence humaine.
Tout ceci risque de déloger à jamais les flamants, susceptibles au moindre dérangement en période de nidification.
De plus, l'exploitation industrielle de la soude est gourmande en eau ... et si celle-ci est pompée dans les zones humides du
lac, l'effet sur l'écosystème sera dévastateur. Tata Chemicals ne donne aucune garantie sur les techniques d'exploitation envisagées.
La Tanzanie ne doit pas seulement prendre en compte le traité de Ramsar qui régit le Natron depuis 2001, mais elle doit aussi considérer ses relations avec les Nations Unies. Celles-ci ont condamné les plans de la route peu après qu’ils ont été rendu publics. Elles sont en droit de le faire puisque le Parc National du Serengeti est un site du patrimoine mondial de l’UNESCO.
La situation n'est certes pas facile, car la Tanzanie doit pour le moment faire face à de nombreux défis : pénurie d'énergie, augmentation anarchique des prix, sécheresse aggravée, crise du Sida, éducation et alphabétisation insuffisantes ; de plus, au niveau préservation, le braconnage est en pleine explosion.
Le président et le gouvernement Tanzanien vont-ils céder aux sirènes de l'industrialisation au seul profit des multinationales étrangères, ou vont-ils essayer de conserver leurs merveilles naturelles, pour valoriser un tourisme qui pourrait entraîner des avantages directs pour les populations locales ?
Les populations Maasais du Natron sont totalement ignorées dans ce débat, et risquent de subir un développement imposé sans
avoir leur mot à dire ... une fois de plus !
Sources :
- Du Serengeti au lac Natron : le gouvernement Tanzanien a-til pour but de détruire sa faune et ses territoires sauvages ? - fr.mongabay.com
- BirdLife international / Afrique/ Thing pink