Timanfaya - Alignement des cônes sur la fissure éruptive et flots de basalte parallèles sur champ de scories - ©JM. Mestdagh
Dans son livre "Les feux de la terre - histoires de volcans", chapitre "Le clergé, chroniqueur de l'enfer" , Maurice Krafft parle des hommes d'église qui ont été, jusqu'au milieu du 19° siècle, de grands observateurs d'éruptions. On leur doit la description de la plupart des épisodes actifs du Vésuve et de l'Etna, mais aussi de la majorité des grands cataclysmes volcaniques à travers le monde.
Le curé de la commune de Yaiza, Don Andres Lorenzo Curbelo, nous fait revivre le cataclysme :
« Le 1° septembre 1730, entre neuf heures et dix heures du soir, la terre s’entrouvrit tout à coup auprès de Timanfaya, à deux lieues de Yaiza.
Dès la première nuit, une énorme montagne s’était élevée du sein de la terre et de son sommet s’échappait des flammes qui continuèrent à brûler pendant dix-neuf jours (…), un torrent de lave se précipita sur Timanfaya, sur Rodeo et sur une partie de Mancha Blanca. La lave s’écoula sur les villages vers le nord, d’abord avec autant de rapidité que l’eau, mais bientôt sa vitesse se ralentit et elle ne coula plus que comme le miel (…)
Timanfaya - coulées basaltiques - ©JM. Mestdagh
Le 11 septembre, l’éruption se renouvela avec force et la lave recommença à couler. De Santa Catalina, elle se précipita sur Maso, incendia et recouvrit tout ce village et poursuivit son chemin jusqu’à la mer ; elle coula pendant six jours de suite avec un bruit effroyable et en formant de véritables cataractes. Une grande quantité de poissons morts surnageaient à la surface des eaux de la mer (…)
Bientôt tout se calma. Mais le 18 octobre,trois nouvelles ouvertures se formèrent au-dessus de Santa Catalina qui brûlait encore et de ses orifices s’échappèrent des masses d’une fumée épaisse qui s’étendit sur toute l’île. (…)
Les coups de tonnerre et les explosions qui accompagnèrent ces phénomènes, l’obscurité produite par la masse de cendres et de fumées qui recouvrait l’île, forcèrent plus d’une fois les habitants de Yaiza et des lieux voisins, à prendre la fuite. (…)
Le 28 octobre, l’action volcanique s’était exercée de cette manière pendant 10 jours entiers, lorsque tout à coup le bétail tomba mort, asphyxié dans toute la contrée, par un dégagement de vapeurs pestilentielles, qui se condensèrent et tombèrent sous forme de gouttelettes. Le 30 octobre tout redevint tranquille. (…)
Mais le 1° novembre, les fumées et les cendres recommencèrent à paraître (…)
Le 27, une autre coulée se précipita avec une incroyable vitesse vers les bords de la mer; elle atteignit le rivage le 1° décembre, et forma au milieu des eaux une petite île, tout autour de laquelle on trouva beaucoup de poissons morts. (…)
Le 16décembre, la lave atteignit Chupadero qui bientôt ne fut plus qu’un vaste incendie. Elle ravagea ensuite la fertile Vega de Ugo. (…)
©JM. Mestdagh
Le 7 janvier 1731, de nouvelles éruptions vinrent bouleverser les précédentes. Des courants incandescents, accompagnés de fumées très épaisses, sortirent par deux ouvertures formées dans la montagne. Les nuages de fumée étaient fréquemment traversés par de brillants éclairs d’une lueur bleue et rouge, suivis de violents coups de tonnerre, comme dans les orages, et ce spectacle était aussi effrayant que nouveau pour les habitants, car on ne connaît pas les orages dans ces contrées. (…)
Timanfaya - édifices volcaniques imbriqués, sur fond de coulées - ©JM. Mestdagh
Chaque fois que les hommes croyaient que leur malheur s’achevait, de nouvelles fissures s’ouvraient, de nouveaux cônes s’érigeaient. Il y eu même des éruptions sous-marines (… ) »
Timanfaya - Cônes alignés sur la fissure et flots de lave - ©JM. Mestdagh
C’en était trop, les habitants abandonnant tout espoir, partirent définitivement avec le curé de Yaiza pour se réfugier sur l’île de la Grande Canarie. La terre continua à vomir son basalte incandescent jusqu’au 16 avril 1736, noyant une surface de 200 kilomètres carrés, recouvrant champs et villages, détruisant 400 maisons et construisant plus de trente cônes tous alignés sur une gigantesque fissure. La quart ouest de Lanzarote, si fertile, si florissant, était anéanti !
Sources :
- Récit de Don Curbelo
Rvdo. D. Andrés Lorenzo Curbelo, Párroco
de Yaiza cuando ocurrieron las erupciones volcánicas de los años 1730 al 1736. -
lien
D. Andrés fue el cronista de aquellas importantes erupciones.
- Les feux de la terre - histoires de volcans - par Maurice Krafft
Découvertes Gallimard /Sciences et techniques.