El Hierro - la cicatrice d'El Golfo, dans laquelle on peut distinguer quelques cônes qui témoigne de l'activité post-collapsus - photo Der Spiegel.
Entièrement volcanique, l’île d’El Hierro est la plus jeune de l'archipel, son émergence étant datée à environ 1,2 Ma.
L'édifice est un volcan bouclier qui se trouve, comme l'île voisine de La Palma, à son stade de croissance (= la vitesse de construction est supérieure à la vitesse d'érosion).
L'histoire de sa formation est découpée en trois phases distinctes :
1- l'élaboration d'un premier volcan sous-marin, la " ride sud ", allongé nord-sud ;
2- formation d'un volcan de forme plus conique, nommé Tiñor, qui s'édifie par la suite sur la pointe nord nord-est de la Ride Sud. A ce stade l'île émerge.
3- l'activité se décale vers l'ouest et édifie le volcan d'El Golfo. Ce volcan-bouclier complexe atteint actuellement une hauteur totale de 5.500m et un volume de 5.500Km³.
Son fonctionnement, tout comme celui des autres volcans-bouclier des Canaries, diffère des volcans-boucliers type Hawaï de part son système d'alimentation. En effet, ce dernier (comme pour une majorité de volcans-bouclier d'ailleurs) n'est pas alimenté en continu par sa source mantellique (point chaud) ce qui se traduit par la formation de petites chambres magmatiques successives à une profondeur estimée entre 19 et 26 km.
El Hierro - doc. Nasa -
la cicatrice de l'effondrement d'El Golfo est la plus "visible"
El Hierro : rifts zones en étoile - cicatrices des effondrements
Du point de vue volcano-tectonique, l'édifice est découpé par trois rift-zones organisées " en étoile " (est-ouest, nord-est et nord-sud) et qui rayonnent depuis la zone sommitale de l'île.
Des modélisations analogiques récentes ont montré que la croissance successive des trois édifices, dans cet ordre précis (ride sud, Tiñor puis El Golfo), sur un substrat sédimentaire pourrait être à l'origine de cette organisation.
Le poids de l'île est en effet susceptible de provoquer le fluage des sédiments jurassique, assez ductiles (mous) sur lesquels elle repose. En glissant, ces sédiments entraînent lentement les flancs de l'édifice, causant leur fracturation et l'ouverture des rift-zones. Ces lents glissements constituent aussi la principale caractéristique morphostructurale de l'île d'El Hierro.
El Hierro - position et étendue des différents glissements de terrain, par rapport à la partie émergée de l'île et de son sous-bassement. - Doc
D.G. Masson & al.
Vues 3D des différents glissements de terrain qui ont marqué l'île d'El Hierro - Doc D.G. Masson & al.
Sa forme globalement triangulaire est en effet le résultat d'au moins 4 glissements de terrain géants. Le volume combiné de ces effondrements, compris entre 400 et 500 km³ dépasse de loin le présent volume subaérien de l’île, environ 140 km³.
Le plus récent, le glissement d'El Golfo, est daté entre 136.000 et 21.000 ans, et a emporté le flanc nord-ouest de l'île (entre 150 et 180 km3 de roches déplacées).
El Hierro - chronologie schématique du glissement de terrain d'El Golfo - Doc D.G. Masson & al.
Le glissement d'El Julan (plus de 200.000 ans, volume déplacé compris entre 60 et 120 km3) a emporté le flanc sud-ouest, celui de Las Playas (plus de 134.000 ans, entre 25 et 35 km emportés) et celui de San Andrès (176.000 ans) semble avorté (certains auteurs considèrent ces deux derniers glissements sous les noms de Las Playas I & II).
Les traces des tsunamis géants provoqués par ces avalanches de débris, produites par plusieurs volcans des Canaries, ont été repérées sur les côtes américaines. Ces tsunamis ont fait l'objet de simulations destinées à estimer l'impact qu'ils auraient si il s'en produisait de nouveau à notre époque.
El Hierro - El Golfo - Ermita de Frontera : un cône témoin de la poursuite de
l'activité après l'effondrement * doc. fotos aereas de Canarias.
El Hierro - El golfo norte - doc. fotos aereas de Canarias
El Hierro - la côte d'El Golfo - photo Bjoern Hoernitz
Sources :
- Flank stability and processes off the western Canary islands : a revue from El Hierro and La Palma - by R.Urgeles & al.
- Slope failures on the flanks of the western Canary Islands - by D.G. Masson & al.