Quel est le moteur de cette activité permanente au Stromboli depuis des milliers d'années ?
L'hypothèse communément admise est bien résumée par Maurice Krafft : Cette activité strombolienne est principalement régie par la décompression des gaz magmatiques.
Résumé schématique : dans le réservoir magmatique superficiel (*) les gaz se libèrent du magma et
forment de petites bulles qui poursuivent leur ascension d'abord dans le réservoir, ensuite dans la cheminée du volcan. Leur vitesse de montée est d'autant plus grande que leur volume est
important. Les bulles les plus volumineuses rattrapent les autres et les incorporent.
Finalement, le conduit éruptif est occupé par une énorme bulle - ou par un train de bulles - dont le volume augmente sans cesse du fait de la décompression.
Les explosions sont dues à la libération violente des gaz arrivés à proximité du cratère, avec expulsion de la colonne de magma située au dessus. La brusque décompression ainsi provoquée est répercutée au niveau du réservoir... immédiatement de nouvelles bulles de gaz se forment, et le processus se répète.
Stromboli - activité strombolienne en novembre 2006, avec l'aimable autorisation de Tom Pfeiffer - un clic sur l'image vous emmène sur son site.
(*) :
Les signaux sismiques et acoustiques suggéraient, jusqu'à 2000-2002, une faible profondeur des explosions (~250 m sous le cratère), implicitement admise comme la profondeur de coalescence et formation des poches de gaz. Une équipe franco-italienne à révélé que contrairement aux indications géophysiques, les poches de gaz responsables des explosions ne peuvent avoir une origine superficielle. Leur composition indique un équilibre avec le magma à des pressions atteignant 70 à 80 MPa pour les explosions les plus fortes et 20 MPa pour les explosions les plus faibles. Pour conserver cette composition, il faut donc que ces poches de gaz remontent séparément du magma depuis des profondeurs comprises entre 2,7 et 0,8 km sous le cratère, c'est-à-dire entre la base de l'édifice volcanique et le niveau de la mer. Les résultats ne permettent pas encore de discriminer précisément si les poches de gaz se forment à partir d'une mousse de bulles accumulées à une discontinuité des conduits, ou par coalescence dynamique de bulles de tailles différentes, comme l'ont proposé des études antérieures. Cependant, ils démontrent que les explosions du Stromboli ont des racines dix fois plus profondes que ce que l'on croyait jusqu'alors et que la faible profondeur (250 m) des signaux géophysiques associés reflète très probablement une discontinuité permanente des conduits superficiels où se produit une forte accélération de la vitesse d'ascension des proches de gaz.
Stromboli - cratère dégazant sous une pluie de projectiles en provenance d'un cratère voisin en éruption strombolienne - "Volcano Picture Of the Week" - avec l'aimable autorisation de Thorsten Boeckel.
Cette hypothèse a été récemment réfutée par Jenny Suckale, étudiante au M.I.T. - Massachusetts Institute of technology - et ses promoteurs.
Selon eux, ces bulles géantes sont incompatibles avec la théorie de la dynamique des fluides; la magma n'aurait pas une tension superficielle ou une viscosité suffisante pour maintenir ces bulles à une une taille supérieure à 12 cm.
Ils proposent une nouvelle approche : les éruptions seraient causées par un bouchon spongieux localisé dans le conduit d'alimentation, jouant le rôle du bouchon pour une bouteille de champagne; ce bouchon se briserait régulièrement sous la pression créée par d'innombrables bulles.
Pour valider cette hypothèse, le département mathématique du Mit a développé un modèle informatique de la mixture interne du volcan : magma, gaz, bulles et leur comportement, et fait varier les paramètres.
Les bulles ne seraient viables que si elles sont petites, quelques centimètres, et accumulées sous un bouchon spongieux. La pression ferait se fracturer celui-ci avec expulsion d'un mélange "liquide, gaz, solide" dans les airs ... ce qui pourrait expliquer pourquoi les roches du Stromboli contiennent beaucoup de petits cristaux.
Mais ceci n'est qu'un premier pas dans l'explication d'un système complexe, relativement peu étudié jusqu'à présent. Il faut encore comprendre le rôle que pourrait avoir les cristaux sur le comportement des bulles.
La décompression des gaz magmatique reste l'élément de base, les modalités de celle-ci doivent encore être affinées.
Demain, "Le Stromboli et des hommes".
Sources :
- Guide des volcans d'Europe et des Canaries - M.Krafft & de Larouzière.
- L'origine des explosions rythmiques du Stromboli - Futura-Sciences 2007 - lien
- MIT media relations - MIT scientists theorize why volcano erupts - 2010
“It takes three to tango: Simulating buoyancy-driven flow in the presence of large viscosity contrasts,” by Jenny Suckale, The Journal of Geophysical Research, 20 July 2010; “It takes three to tango: Bubble dynamics in basaltic volcanoes and ramifications for modeling normal Strombolian activity”, by Jenny Suckale, Bradford H. Hager, and Linda T. Elkins-Tanton, The Journal of Geophysical Research, 20 July 2010.
- Decadevolcano - Stromboli - photos de Tom Pfeiffer
- VPOW - Volcano picture of the week.