Un ancien "chemin blanc" de l'époque Maya - un sacbé - a été récemment découvert dans les fouilles du village de Cerén, au Salvador, par une équipe d'archéologues de l'Université du Colorado à Boulder, conduite par Payson Sheets.
Les restes de ce village étaient enfouis depuis 1400 ans, quand en 1978, un bulldozer ouvrit par hasard une fenêtre sur les restes bien préservés de cette communauté Maya.
Le chemin blanc de Cerén - découvert en juillet
2011 - avec son canal de drainage et sur la droite, des céréales préservées sous les cendres de l'éruption du Loma il y a 1400 ans. - Photo Payson sheets - University of Colorado. / Live
Science
Les sacbeob Mayas :
Le mot Sacbé - sacbeob au pluriel - dérive de mots mayas : sac signifiant blanc et be signifiant chemin.
Un sacbé bien conservé au Yucatan - photo Minnaert
Ces chemins étaient surélevés d'une cinquantaine de centimètres, entre deux murets remplis de cailloux et revêtus d'un stuc calcaire destiné à les protéger des intempéries.
Ces chemins blancs avaient une connotation à la fois pratique, politique et spirituelle pour les mayas : ils mettaient en
communication les villages, les temples et les places.
Pour en avoir emprunté un en pleine nuit, pour me rendre sur une pyramide de Tikal, et voir le soleil se lever sur la forêt du Peten, je peux confirmer le côté pratique de celui-ci : je pouvais me diriger dans l'obscurité, renforcée par la présence de hauts arbres, sans aucun éclairage et progresser à allure normale sur ce chemin, qui rendait en pleine nuit la luminosité qu'il avait "stocké de jour" ... parcours génial, ponctué par les hurlements des singes. - photo oncetv-ipn / mundo maya.
Le sacbé de Cerén :
La particularité de ce chemin est d'avoir été confectionné avec de la cendre volcanique claire, en lieu et place du calcaire. Cette cendre provient d'une précédente éruption ; elle a été tassée et consolidée le long de ses bords par les résidents autour de l'an 600 (après JC). Il est entouré de ruisseaux.
C'est aussi le seul sacbé retrouvé par les archéologues à avoir été construit sans bords pavés.
Il fut découvert, en juillet 2011, de façon inattendue lors du creusement d'un puit d'analyse dans une couche de cendres volcaniques; ce travail visait à analyser l'activité agricole aux alentours de Cerén, considéré comme le village Maya le mieux préservé d'Amérique centrale. Afin de suivre le sacbé, deux fosses-test ont été creusées ensuite vers le nord , ce qui a permis de confirmer sa longueur : un demi-terrain de foot. Il semble relier deux structures cérémonielles découvertes par Sheets et son équipe en 1991.
L'une d'elle semble avoir été utilisée par une femme chamane. On y a retrouvé des os de cerfs, une coiffe portant des bois de cerf peinte en rouge et bleu, et un grand pot en forme de crocodile. De grandes quantités de nourriture et de boissons y avaient été préparées pour une distribution sur la place du village, en vue d'une cérémonie en relation avec la récolte.
Une fête se passait lors de l'éruption qui a enseveli le village ... mais il semble que les villageois en soient
partis précipitamment , sans revenir vers leurs maisons pour y ramasser quelques objets de valeur ( toutes les portes des maisons étaient ficelées) . Ils s'en sont encourru en pleine nuit ,
vraisemblablement grâce au sacbé ... et bien qu'aucun reste humain n'ait été trouvé au village, il est probable, d'après les archéologues, que l'on découvre des corps lors de futures fouilles le
long du chemin.
Ironie du sort, un chemin construit grâce aux dépôts du volcan a permis aux hommes de fuir une éruption ultérieure de celui-ci !
La datation au radiocarbone permet d'attribuer cette éruption au volcan Loma, un évent situé sur le flanc nord-ouest du San Salvador, distant de 600 m. seulement, qui a eu lieu en l'an 630; d'après Sheets, l'éruption s'est produite en août, et en début de journée : il se base pour cela sur divers éléments: la maturité des céréales retrouvés dans les cendres, le fait que les nattes de couchage n'aient pas été roulées, le déjeuner servi et les assiettes non encore nettoyées.
On a qualifié Cerén de "Pompeï du nouveau-monde" ... mais des différences marquantes les séparent.
Au contraire de Pompeï, cité romaine organisée, aux habitations en dur, aux rues pavées, on est ici en présence d'une modeste comunauté agricole.
A cause du recouvrement des structures au toits de chaumes, des champs et des jardins par une cendre fine, chaude et humide,
la conservation des matières organiques est meilleure à Cerén. Ici pas des statues de marbre, mais des marques de doigts sur les bols de céramique, des empreintes de pieds dans les jardins, des
moulages de maïs et de manioc, des pots remplis de haricots, deux espèces différentes de fourmis.
Des restes du village Maya de Joya de Cerén - photos daguerquill / flickr.
Sur les parois, on aperçoit des dépôts de surges pyroclastiques.
Un résumé par le découvreur :
Sources :
- Global Volcanism Program - San
Salvador - eruptive history
- Dailycamera - CU-Boulder ream digs up ancien Mayan road - 05.10.2011, link
- Livescience - ancient maya road let villagers flee volcanic death - link
- About.com /archeology - cerén, the lost village of El Salvador - finding El Salvador's Pompeii - link
- Sheets, Payson (editor). 2002. Before the Volcano Erupted: The Ancient Cerén Village in Central America. University of Texas Press, Austin.