Nous restons dans le domaine des "volcans asphaltiques", bien que le seul point commun entre les volcans et ces structures soit la terminologie qui les caractérise.
Le Pitch lake est le plus grand dépôt naturel d’asphalte au monde, avec ses 40 hectares et 75 mètres de profondeur ; il est situé sur l’île de Trintad, dans une commune du sud—ouest appelée La Brea. Trinitad est une île au large du Vénézuela.
"Tierra de Brea ", ce qui signifie « pays du goudron » fut le nom original de cette contrée. "Pitch" est un vieux mot anglais utilisé par les habitants de Trinitad, et signifiant simplement goudron, ou plus exactement asphalte émulsifié.
Depuis sa découverte en 1595 par Sir Walter Raleigh, il fascine les explorateurs et les scientifiques. Raleigh lui trouva une application immédiate : le calfatage de son bateau. On exporta l’asphalte pour paver les routes du district de New York ensuite. En 1867, débuta une extraction systématique qui se chiffre en millions de tonnes, à destination des industries de surfaçage routier.
Il
vaut mieux suivre le guide local pour s'aventurer dans ce lieu - Photo R.Seaman
L’origine de Pitch lake est à relier à des failles profondes en connection avec la zone de subduction de la plaque Caraïbes.
Le lac s’est formé dans une dépression située au sommet d’un anticlinal et serait à l’intersection de deux failles, ce qui a permis à « l’huile » de remonter depuis un réservoir situé en profondeur.
A son jaillissement, cette huile s’est mélangé à de l’eau et de l’argile pour former une substance lourde, de l’asphalte.
Cette « huile » provient de l’accumulation puis de la dégradation, sur une période de plusieurs millions d’années, de matières organiques mortes.
Après évaporation de la phase légère, l’asphalte plus lourd est demeuré … une action bactérienne sur l’asphalte, à basse pression, a créé du pétrole dans l’asphalte. Ces micro-organismes, qualifiés d’extrémophiles, peuplent le lac à raison de 1 à 10 millions de cellules par gramme.
Document "The Geological Society of
Trintad & Tobago"
De nombreux fossiles et artéfacts ont été retrouvés dans le lac : des morceaux de squelette d’animaux préhistoriques , et e.a. de paresseux géant, de mastodonte, un tronc d’arbre vieux de 4.000 ans, et des objets utilisés par les amérindiens.
Bien que toutes les zones ne soient pas sans danger, il est possible de marcher à certains endroits sur le lac, comme sur un vaste parking. Sa surface ressemble à la peau d'un pachiderme, de teinte grise, tempérée.
Le lac est "vivant", animé de mouvements de convection lents; des bulles percent par moments sa surface grise, libérant du méthane et des gaz sulfurés. Les plaques durcies sur lesquelles on peut marcher ressemblent un peu aux plaques tectoniques de la croûte terrestre; elles sont en mouvement lent permanent, et lorsqu'elles se touchent, on peut voir ce que les guides locaux appellent "the mother", du pétrole qui semble lubrifier le déplacement des plaques.
Des zones liquides alternent avec des plaques solides ... le danger est
présent.
Photo R.Seaman
La vie n'y est pas que sous forme de mouvements ... le lac est plein de micro-organismes; ils ont été analysés par des microbiologistes de l'Université de Colombie Britannique - Vancouver, qui ont découvert des bactéries archaïques anaérobies consommant du méthane, d'autres archaïques d'un nouveau type, et des bactéries qui puisent leur énergie dans les particules métalliques - les Thermoplasmatales. Une organisation intéressante de ces micro-organismes en réseau a été montrée ... une communauté de microbes utilisant ce qui est excrété par une autre communauté.
Cette étude concerne aussi la Nasa, car ce milieu terrestre ressemble aux lacs d'hydrocarbures trouvés par
l'exploration spatiale sur Titan, une lune de la planète Saturne. Il y a cependant une différence de taille entre les deux mondes : les microbes terriens utilisent bien les hydrocarbures, mais
vivent en milieu aqueux ... or ce liquide manque sur Titan. On est encore loin d'avoir trouvé de la vie ailleurs que sur notre "bonne vieille Terre" !
Cet endroit est également lié aux légendes locales :
L’une d’entre elles est la légende de Callifaria, qui parle de deux jeunes amoureux responsables de la destruction de la colonie de La Brea. Callifaria était la fille du chef de la tribu La Brea, appelé Callisuna. Elle s’enfuit pour retrouver son amoureux, Kasaka, prince de la tribu Cumana. S’en suivit une guerre tribale au cours de laquelle Callisuna reprit sa fille et la renvoya au village.
Les dieux s’en mélèrent : Pimlontas, le dieu ailé Arawak, maudit le village de La Brea pour son action ; il fit disparaître celui-ci sous terre, et le remplaça par une épaisse substance noire, appelée par les amérindiens « Piche » (qui deviendra plus tard Pitch).
Une autre légende est celle des colibris : La tribu indienne Chima vivait jadis à l’endroit abritant le lac actuel. Pour fêter une victoire, ces indiens firent un grand festin au cours duquel ils cuirent et mangèrent une énorme quantité de colibris. L’euphorie de la victoire leur avait fait « oublier » le fait que ces délicats oiseaux étaient en réalité les âmes de leurs ancêtres. Le dieu ailé ouvrit les entrailles de la terre et fit apparaître un lac d’asphalte, qui ensevelit et consuma le village Chima et ses habitants.
Sources :
- Treasure chest of Trinitad &Tobago -
http://www.moe.gov.tt/cyberfair/websites08/Secondary/naparimagirls/home.html
- The Geologogical society of Trinitad and Tobago – A gravity investigation of the Pitch lake of T & T. – par W.B.Chaitan & V.R.Graterol
http://www.gstt.org/geology/pitch lake.htm
- Trinitad's Pitch lake - by Richard Seaman
- Sciences news - Life in the sticky lane, asphalt lake is full of microbes - by Lisa Grossman