Poursuite du périple en Bolivie cette fois, où nous verrons successivement le Salar d'Uyuni, et le Tunupa, puis plus au sud
l'Uturuncu, et à la frontière avec le Chili, les volcans Ollagüe et Licancabur.
Un décor surnaturel : une mer de sel blanche, aveuglante, plus grande que la Corse : le salar d'Uyuni.
Ce salar couvre 12.100 km² , soit le double du grand lac salé des Etats-Unis (le Great Salt Lake, près de Salt Lake City).
A la différence du Salar d'Atacama, il est recouvert en été par les pluies, à un point tel que sa traversée en 4x4 devient impossible. En hiver, on peut s'y aventurer en véhicule et accéder à l'Isla de Los Pescadores et au volcan Tunupa. Cette inondation périodique est responsable de la planéité de sa surface.
Le Salar d'Uyuni durant l'été austral - © Antony Van
Eeten
Le Salar d'Uyuni durant l'hiver austral - © Jean-Michel Mestdagh
Son origine est un ancien et très grand lac préhistorique, le lac Minchin, daté au radiocarbone entre 30.000 et 42.000 ans. Ce lac fut pris au piège par le soulèvement andin et s'est élevé à 3.760 m.
Ce lac s'est transformé en un paléolac nommé Tauca, profond de 140 mètres, entre 13-18.000 ans (ou 15.000-26.000 ans selon d'autres sources).
La formation la plus jeune est le lac Coipasa, daté de 11.500-13.400 ans.
En s'asséchant, le lac Coipasa se sépara en deux entités modernes, les lacs Poopo et Uru Uru, et deux salars, le salar de Coipasa et le salar d'Uyuni.
Le lac Poopo est proche du lac Titicaca, et reçoit son excédent avant de le relarguer dans les deux salars.
Contexte géomorphologique et paléoclimatique de l'altiplano central, il y a 17-15.000 ans. La paléoligne de rivage du lac Tauca en bleu clair - la limite du bassin versant Titicaca-Tauca en orange - Doc. CRPG (INSU-CNRS)
Exploitation manuelle du sel en bordure du Salar, à Colchani, avec comme seules aides, des pics et des brouettes; les ouvriers les mieux équipés possèdent des lunettes de soleil avec
flasques pour se protéger de l'intense réverbération - © Jean-Michel Mestdagh
Sous la surface du salar, on détecte la présence d'un lac de saumure profond de 2 à 20 mètres; la composition de la saumure est une solution sursaturée de chlorure de soude, de chlorure de lithium et de magnésium.
La croûte solide qui le recouvre varie entre une dizaine de centimètres et quelques mètres; elle est caractérisée par de multiples hexagones, dont les côtés sont formés de cristaux d'halite de 3 à 5 cm. d'épaisseur.
Le site, et son sel riche en lithium, a déjà attiré l’attention des grandes entreprises de fabrication de batteries (Mitsubishi, Bolloré), mais le président bolivien entend bien garder la production du lithium sous contrôle étatique et s’appuyer sur cette ressource pour permettre le développement du pays. Le marché mondial est immense : il représente la moitié du revenu annuel de la Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud. Les espoirs sont tels qu’avec le déclin prévisible de l’extraction pétrolière dans le monde, la Bolivie est parfois qualifiée de future Arabie Saoudite.
La question environnementale se pose plus particulièrement pour l’extraction et le traitement des déchets. Car la production de lithium nécessite de grandes quantités de mercure, un métal hautement polluant. Cette question reste entière rappelant ainsi les problèmes récurrents de pollution grave à proximité de nombreux autres sites miniers de Bolivie.
Enfin, dans un autre registre, l’exploitation du salar d’Uyuni condamnera sans doute le tourisme vert (80 000 touristes en 2008) qui s’est développé ces dernières années autour de cette curiosité naturelle.
Des hexagones de sel à perte de vue ... Uyuni - © Jean-Michel Mestdagh
Au centre du salar, se dressent quelques "îles", en réalité des vestiges du sommet d'anciens volcans submergés durant la période de vie du lac Minchin.
Salar d'Uyuni - l'île d'Incahuasi s'y reflète ... en arrière-plan, le volcan Tunupa - © Jean-Michel
Mestdagh
L'île d'Incahuasi (maison de l'Inca), est une pseudo-île : la colline entourée par le salar, qui se transforme en île lorsque l'eau recouvre le désert salé, empêchant son accès pédestre.
L'île est couverte de stromatolites, colonies bactériennes fossilisées, premières traces de vie sur terre.
Incahuasi - des stromatolithes, traces de vie primitive - © Jean-Michel
Mestdagh
Preuve que la vie est tenace, dans cet univers salé et soumis à un climat rigoureux, dès qu'un substrat le permet, elle s'installe ... des centaines de cactus habillent les pentes de l'île et certains atteignent quatre mètres de haut , et l'âge respectable de plusieurs centaines d'années.
Incahuasi - les lamas n'atteindront jamais l'âge des cactus qui les dominent - © Jean-Michel
Mestdagh
Une partie du Salar d'Uyuni, vue par la station spatiale internationale - doc. Nasa
Sources :
- Le Salar d'Uyuni - M@ppemonde - lien
- Paléoclimat des Andes, quand lacs et glaciers étaient connectés - CNRS 01.2010
- Nasa - the gateway to astronaut photography of earth - Bolivia / Uyuni salar - link